Nourrir les moteurs d’avion plutôt que les vers de terre, ce projet fou du gouvernement

La biomasse capte le carbone atmosphérique, la nourriture des vers de terre est carbonée, ce carbone sera détourné comme on détourne l’eau d’une rivière pour produire du gaz, de l’électricité et faire voler nos avions. Je schématise, mais c’est l’idée du Premier ministre Barnier : nourrir les moteurs d’avion plutôt que les vers de terre. En plus, ces cultures énergétiques vont intensifier l’usage des pesticides et des engrais, c’est aussi une porte ouverte aux OGM, un cadeau fait aux notables de la FNSEA sous couvert de transition énergétique.

Lorsqu’on méthanise la biomasse pour produire de l’énergie, ou qu’on fabrique des biocarburants à partir de blé, de maïs ou de betterave sucrière, on casse le cycle naturel du carbone, car celui-ci ne passe plus par le sol. À peine est-il absorbé par la plante qu’il est déjà renvoyé dans l’atmosphère ! On accélère le cycle, on l’intensifie, car naturellement et tout comme les cycles de l’eau et de l’azote, le carbone séjourne longtemps dans le sol, parfois pendant plus d’un demi-siècle.

Pour avoir des hirondelles dans le ciel,
il faut des vaches dans les champs !

Une vache fait en moyenne 12 bouses par jour. Les mouches se nourrissent de leurs bouses et les hirondelles se nourrissent de mouches. Par ailleurs, une simple bouse de vache sèche séquestre le carbone dans les sols jusqu’à 5 ans. Transformée en gaz ou en électricité, elle le séquestre pendant 2 ou 3 semaines… Mais pour extraire le carbone des bouses et en faire de l’énergie, il faut renfermer les vaches pour récupérer leurs bouses ! Bilan : les vaches sont malheureuses et les hirondelles n’ont plus de mouches.

Et pour nourrir les vaches confinées, il faut augmenter nos émissions de carbone pour nourrir les moteurs des machines agricoles chargés de produire leur nourriture. Quant aux vers de terre, qui se nourrissent du jus des bouses et stabilisent le carbone dans les sols grâce à leurs turricules (cacas), ils sont exclus comme des hirondelles privées de mouches à se mettre sous la dent !

Ralentir le cycle du carbone

Pour lutter contre le réchauffement climatique, l’ADEME a bien précisé : « Il s’agit de séquestrer autant de carbone que nous en émettons de manière à stabiliser son niveau de concentration dans l’atmosphère et limiter ainsi l’augmentation de la température globale de la planète. » On séquestre dans le sol, pas dans l’air ! Dans l’air, une partie du carbone y stationne de 100 à 1 000 ans avant de revenir sur Terre !

L’ADEME : « Pour atteindre la neutralité carbone, deux leviers sont nécessaires : réduire les émissions de gaz à effet de serre et séquestrer le CO2 dans des puits biologiques ou technologiques. » La méthanisation agricole fait exactement l’inverse : elle augmente les émissions de gaz à effet de serre et elle court-circuite le sol comme puits biologique.

Depuis le 19e siècle, nous déterrons en masse le carbone séquestré dans les sols pour le pulser sans discontinuer dans l’atmosphère. Charbon, pétrole et gaz s’ajoutent ainsi quotidiennement au carbone déjà présent dans l’air. Cet « embouteillage » atteint désormais un niveau inégalé depuis 3 millions d’années ! C’est comme un évier bouché : tant qu’il n’est pas débouché, le bouchon grossit ; comme un bouchon sur l’autoroute : tant qu’il n’est pas résorbé, il grossit ; comme 2 fumeurs dans une pièce fermée : tant qu’ils clopent, c’est enfumé.

Ce transfert de masse vers le ciel n’aurait jamais dû avoir lieu et il est irréversible à l’échelle humaine. Désormais tous les équilibres naturels sont rompus. Ce pour quoi on ne peut plus penser le cycle du carbone comme au 18e siècle. Sauf que le projet de valorisation de la biomasse repose sur cette pensée dépassée.


LIVRE

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