À ce sujet, je ne peux pas vous en montrer, car les photos sont rares et payantes. Voici un lien pour voir à quoi il ressemble : Inaturalist

N.B. Pour écrire cet article, je me suis appuyé sur une publication scientifique de 2009.


Surnommé ainsi en raison de sa peau bleu indigo qui est parsemée de petites taches jaunes et blanches rappelant des œufs au plat. Des « œufs » qui imitent de petites taches de lumière : un camouflage naturel quand il se déplace à découvert dans la litière forestière. Comme Echidna nebulosa, la murène tachetée qui vit dans les eaux environnantes et arbore des motifs similaires.

Les murènes étant anguilliformes, les populations locales ont pensé pendant longtemps, et à juste titre, qu’il s’agissait de la même espèce : de jeunes anguilles se déplaçant sur le sol, car, comme chacun le sait, l’anguille est l’un des rares poissons capables de se déplacer hors de l’eau si nécessaire.

N.B. Si abondante il y a encore 50 ans, l’anguille est aujourd’hui en voie de disparition !


A. middletoni a été « découvert » le 13 avril 2001, dans une forêt tropicale primaire de la province d’Aurora, à 700 mètres d’altitude sur l’île de Luzon ; la plus grande de l’archipel des Philippines, dont la capitale est Manille. Le découvreur est l’une des références de la géodrilologie (la science des vers de terre) : le Professeur émérite Samuel W. James, de l’université Maharishi dans l’Iowa (US).

J’ai déjà échangé avec lui via une autre référence en la matière, un ami, le Professeur émérite de la Sorbonne, Patrick Lavelle. C’était au sujet des espèces indigènes d’Amérique du Nord et de la variabilité du nombre de métamères chez Lumbricus terrestris — la star de L’Éloge du ver de terre publié en 2018 chez Flammarion (épuisé).

Endémique, car A. middletoni est inféodé (exclusivement liée) à ce milieu et cette région du monde. Dans sa publication, le chercheur présente également 4 autres nouvelles espèces du même genre, découvertes lors de son expédition. Samuel W. James :

« Archipheretima Michaelsen, 1928 (1928 est l’année de sa première description scientifique, et Michaelsen le nom du descripteur), est un genre de vers de terre très intéressant d’un point de vue écologique, esthétique et biogéographique. D’après les rares informations à notre disposition, il semble qu’ils pourraient être considérés comme des vers de terre errants, un peu comme certains polychètes. »

Les polychètes sont les « ancêtres » marins et aquatiques des vers de terre ; un embranchement des Annélides qui comptent 3 fois plus d’espèces que d’espèces de vers de terre. Cf. À l’origine, le ver de terre était un habitant des mers, et non des terres ! Et dans l’eau, la majorité de ces espèces errent au gré des courants contrairement à la star des sols qui vit dans un terrier.


Vivant sur le sol, ces vers de terre sont par conséquent très exposés à leur prédateur, même si leur coloration leur permet de se fondre dans l’environnement. Le professeur W. James précise qu’ils sont difficiles à distinguer dans le feuillage, mais certaines espèces du même genre ont développé en plus une technique de défense redoutable : elles projettent un liquide toxique (depuis leur peau) pour repousser ceux qui les regarderaient d’un peu trop près en se léchant les babines. A priori, « fried eggs worm » n’en serait pas équipé, contrairement aux nouvelles espèces découvertes. Je vous invite à visionner cette vidéo d’un cousin australien à eux : Voir.

Par ailleurs, l’analyse de leur contenu intestinal a révélé qu’ils étaient strictement végétariens.


C’est leur milieu de vie, et ils s’y déplacent quand il pleut afin que leur peau reste humide. On ignore s’ils « pondent » dans ou sur le sol (ou dans les airs), mais tous les jeunes trouvés par le chercheur l’ont été en hauteur ! Perchés dans des plantes du type fougères et pandanus (des plantes qui ressemblent à des arbres, comme le bananier), à l’intersection du tronc et des feuilles, là où se concentre la matière organique en décomposition, leur nourriture. Le professeur W. James souligne qu’il n’a trouvé qu’un seul vermisseau par plante, et jamais une autre espèce en sa présence ; une singularité dans le monde des lombriciens.

Autrement, c’est loin d’être la seule espèce de vers de terre partiellement arboricole… Même en Limousin, on y trouve de sacrés grimpeurs ! Extrait d’un article publié en 2023 :

De sacrés grimpeurs

Même en Limousin, certains vers de terre grimpent pendant l’hiver dans les choux ou les bananiers (eh oui, nous en avons !) pour s’y nourrir. J’en observe même qui enjambent ma serre ! 7 mètres de plastique à franchir, avec une façade nord bien abrupte et une piste noire au sud. Le professeur Lavelle, en 2020, dans Sauver le ver de terre :

« Je suis toujours étonné de voir ce que ces animaux font avec un cerveau de la taille d’une tête d´épingle ! En Amazonie, un ver du genre Andiodrilus, qui vit dans des forêts inondables, grimpe dans les arbres, quand elles sont inondées, pour s’agglutiner dans les Broméliacées, des plantes de la même famille que l’ananas qui lui fournissent des espaces humides entre leurs feuilles coriaces. Quand l’eau se retire, les vers se laissent tomber sur le sol. Comment savent-ils qu’il y a des refuges dans ces arbres ? Comment savent-ils que l’eau s’est retirée ? »

Cet article s’inscrit dans la même veine que le précédent sur les vers de terre « granivores » : vous faire découvrir que leur monde est bien plus coloré et diversifié que l’image terne qu’on lui attribue d’ordinaire.

À la semaine prochaine.
Christophe Gatineau

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