Un mythe est une histoire fausse, à l’exemple du mythe du progrès qui promet une croissance sans limites et un avenir meilleur pour tous. Depuis 2013, j’ai démonté les mythes de la nature, de l’abondance et de la permaculture ; aujourd’hui, urgence oblige, je m’attaque au récit sur les vers de terre.
Nous projetons sur le monde extérieur notre monde intérieur
Nous y projetons notre fonctionnement social comme s’il était la norme universel ! Regardez l’abeille à miel, Apis mellifera : nous désignons la plus grosse de l’essaim, celle qui pond, comme la reine, la matriarche, alors qu’elle ne fait qu’obéir aux ouvrières dans une ruche. Et si elle ne fait pas le job, les ouvrières la tuent ! Pour l’anecdote, avec ma complice, Sylvie Corré, nous avons publié à ce sujet : Éloge de l’abeille (Flammarion, 2019).
Avant la Révolution française, les érudits croyaient qu’une ruche n’était pas dirigée par une reine, mais un roi ! Impensable à l’époque qu’une femelle gouverne ; impensable aujourd’hui que le monde ouvrier gouverne. Je vous laisse digérer ! Ces maîtres à penser soutenaient même que les abeilles choisissaient leur roi avant de se donner corps et âme à lui. Quelle belle soumission — divine ! Méfiez-vous de ceux qui pensent à votre place.
Bref, beaucoup continuent de croire que le fonctionnement d’une ruche est vertical, alors qu’il est horizontal. Ni haut ni bas chez les abeilles à miel : toutes au même niveau. Pas de méritocratie ; l’être et le collectif priment sur l’avoir et le pouvoir, l’inverse de notre société. Nous, nous avons besoin d’admirer, de hiérarchiser et d’humilier ceux en bas de l’échelle sociale.
Sous nos pieds, la cité basse
C’est dans ce contexte intellectuel que les vers de terre ont été désignés récemment comme les « ingénieurs du sol » de la cité basse. La cité sous nos pieds : celle qui nourrit la « haute »… Ils sont passés du statut de vermine à ingénieurs : une promotion symbolique, puisque juridiquement, ils sont restés des moins-que-rien.
Mais voilà, un écosystème ne marche pas comme une administration…
« Personne » ne gouverne ni ne préside personne.
Nano, micro, macro et grosses bêbêtes sont toutes sur le même pied d’égalité.
Que serions-nous sans nos microbiotes pour nous nourrir et nous protéger ? Rien. Inexistants.
Que seraient les vers de terre ? Pas mieux.
Que serait un sol nourricier sans microorganismes ? Il ne serait pas.
Hiérarchiser les bestioles est un contresens.
Les vers de terre ne sont que la partie émergée de l’iceberg nourricier. Et c’est déjà énorme.
Un emblème
La figure de proue de l’écosystème souterrain
La vie sur la terre ferme naît sous terre : dans l’habitat des vers de terre. C’était mon message pour leur Journée mondiale. Mais il ne passe pas, notre logiciel bugge !
Pour tenter de capter l’attention, j’avais choisi de simplifier à l’extrême le cycle naturel de régénération des sols, car, sur le plan pédagogique, un ver de terre « parle » davantage au grand public qu’un micro-organisme. Le schéma n’est pas faux : il est juste réduit à sa plus simple expression. L’idée était de montrer qu’ils sont l’un des rouages du système naturel, car — ne l’oublions pas — ils restent la première biomasse animale sous nos pieds.

Par ailleurs, quelle prétention de ma part de vouloir balayer — en un claquement de doigts, 2 000 ans de propagande mensongère ! L’Église a mis 16 siècles à polir son récit angélique ; il est huilé jusqu’à la moindre virgule.
Notre existence prend racine sous nos pieds, et nous ne sommes pas plus prêts à l’admettre que le monde d’en haut— l’oligarchie, n’est prêt à reconnaître qu’il dépend de celui d’en bas, c’est-à-dire de nous : les petites mains, le monde ouvrier et agricole.
Les vers de terre enchantent
Lors de ma conférence sur les vers de terre, devant des enfants à la bibliothèque francophone de Limoges, le 21 octobre, au bout d’une heure, les lumières se rallument et les enfants en redemandent et ne veulent pas quitter la salle. Magique.
Moins de presse cette année pour leur Journée mondiale, contrairement aux précédentes. Dommage.
Un grand merci à
Denis Cheissous
Stef Vanstaen
Christophe Besson
… /
Commençons par le moins connu : Stef Vanstaen. Le 21 octobre, j’ai bouclé mon marathon à son micro d’ICI l’Onde. Une heure à bavarder binette et vers de terre… Écoutez. Avant, j’étais chez l’ami Christophe Besson à ICI Limousin, puis, à midi, sur le plateau d’ICI France 3. Radio Nova avait annoncé la Journée dans sa matinale, et, 2 jours plus tôt, l’un des plus fidèles amis des vers de terre, Denis Cheissoux leur avait, comme l’an passé, consacré l’édito de son émission CO₂ mon amour sur France Inter. Écoutez.
Quant à la presse écrite, Mr Mondialisation, Sud Ouest et Centre France ont titré, et La 7 à Limoges est venue tourner un reportage dans notre jardin dans le cadre de l’exposition sur les supers pouvoirs du sol. Voir.
Quand on s’attaque à un mythe
Les premières réactions sont généralement… une volée de bois vert. J’en garde donc sous le pied pour remonter au créneau très bientôt.
Il y a 2 mois, j’avais déjà alerté sur une dérive de l’information : Le combat perdu des vers de terre : quand l’info nourrit l’intox. Et le 21 oct, plusieurs vidéos lamentables ont circulé. Entre celui qui explique que les vers de terre sont apparus il y a 600 à 700 millions d’années, celui qui affirme qu’un ver de terre pond trois œufs (cocons) par semaine, et celui qui propose de fabriquer des “bombes de vers de terre”. Bref.
À la semaine prochaine.
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Présents dans le paysage médiatique depuis le 17 octobre 2014, nous avons été durement touchés par la politique libérale de Macron. Nous n’avons plus de salariés, notre travail est entièrement bénévole.

Rédacteur : Christophe Gatineau – 64 ans – Saintongeais, président fondateur de La Ligue de protection des vers de terre. Dernier livre : Ne tirons plus la chasse ! Nos déjections au secours des sols (2025)
J’étudie les vers de terre dans leur rapport à l’agriculture, et particulièrement la star des sols : le lombric terrestre. Auteur d’une douzaine d’ouvrages — dont Éloge du ver de terre et Éloge de l’abeille (Flammarion), je travaille depuis plus de 10 ans en faveur de la reconnaissance juridique des vers de terre.
— Nous voyons ce que nous avons envie de voir : une vache peut être vue comme une usine à lait, un bout de viande, une calamité pour le climat, un épandeur à engrais ou un être doué de sensibilité.

