Victor Hugo disait que l’égout faisait le mal en voulant faire le bien ; le recyclage de nos déjections permettrait de préserver l’humus et les ressources en eau potable tout en contribuant à lutter efficacement contre le réchauffement climatique et l’appauvrissement des sols agricoles.

L’humus, c’est cette fine couche supérieure du sol, les 15 premiers centimètres, où la vie souterraine se concentre et transforme la matière organique en engrais naturel pour les plantes. C’est l’habitat des racines, des vers de terre et des microbes, l’intestin des plantes, le berceau de notre civilisation.

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Même l’un de nos plus célèbres jardiniers, Xavier Mathias, n’a pas pissé dessus. L’écouter.
Même ARTE m’a invité à le présenter. M’écouter ! Tu veux quoi maintenant ?
Que je te le dédicace ?
Demande-le-moi.

Tout comme l’ensemble des déjections animales, nos déjections sont une formidable mine d’or nutritionnelle. En plus de véhiculer un élément essentiel au maintien de la vie terrestre, de surcroît non renouvelable, rare et qui se raréfie : le phosphore.

Tout ce qui vit a besoin de phosphore, tout ce qui vit en rejette. Nos corps en rejettent et nous le jetons à l’égout en tirant la chasse… à l’heure où nous touchons le fond des dernières réserves mondiales. Et après ? Quand les réserves seront épuisées, personne ne sait, l’échelle n’est plus humaine ! Qui plus est, dans un contexte mondial où plus de la moitié des sols cultivables, autrefois fertiles, sont désormais épuisés et ne subsistent que grâce à l’utilisation massive de produits chimiques.

C’est curieux, je vous l’accorde, mais une partie de la solution pour les régénérer est sous notre nez. Par ailleurs, relier le recyclage de nos cacas au réchauffement climatique, le lien est osé, mais il est aussi typique de ces petites choses perçues comme dérisoires et qui, soudainement, prennent une importance inattendue.

À ce propos, permettez-moi de citer le célèbre astrophysicien Hubert Reeves sur le plateau de France 2 le3 mai 2018 : « La disparition des vers de terre est un phénomène aussi inquiétant que la fonte des glaces. » Et d’ajouter : « Le ver de terre est un bon exemple du fait qu’une toute petite chose à peine visible peut avoir une importance majeure. » Et la disparition des vers de terre est consécutive à la disparition de l’humus !

Ce pourquoi il est urgent d’arrêter de tirer la chasse et de repenser la gestion de nos déjections pour les valoriser en engrais, car elles contiennent environ 25 % des besoins en azote et en phosphore de notre agriculture.

De l’appétit au rejet, peu importe notre sentiment, les aliments rentrent par un bout pour ressortir par l’autre en chaos : en pipi, en caca, en sueur, en crachats, en pets, en rots. C’est le système nutritionnel universel : les déjections des uns sont la nourriture des autres. Impossible de sortir de ce cycle naturel pour nourrir les plantes et les cultures qui nous nourrissent, ou nourrir les animaux que nous mangeons, sauf à le court-circuiter avec des engrais chimiques.

Avant l’usage de ces engrais, le recyclage des déjections humaines et animales était la clé de voûte de l’agriculture. Des déjections appelées « bouses » pour la vache, « crottes » pour le chien, « crottins » pour le cheval, « fientes » pour la poule, « purin » quand urines et bouses de bovins sont mélangées, « guano » pour les chauves-souris et les oiseaux marins, « lisier » pour le cochon, « chiure » pour les insectes, « turricules » pour les vers de terre et « engrais flamand » quand nos déjections étaient commercialisées au 19e siècle.

Non par vulgarité ou faiblesse de vocabulaire, mais uniquement parce qu’il est sans détour quant à la chose désignée. Avec « maman », « papa » et « pipi », « caca » fait partie de nos premiers mots. Et, avec l’acquisition de la propreté, ne plus faire caca dans sa culotte est également synonyme de la première grande victoire sur soi-même ! Plus qu’enfantin, ce mot nous est familier.

Excréments, selles, déjections, fèces, matières fécales,grosses commissions, merde… peu importe le niveau de familiarité, tous ces mots désignent une chose que nous percevons comme sale, dégoûtante, répugnante. On se parfume sous les bras pour masquer l’odeur de la sueur, on parfume et colore parfois le papier à cul (ça, c’est vulgaire…) pour ni voir ni sentir. Bref,nous sommes tous mal à l’aise avec ça.

Saviez-vous qu’avant il y avait des lieux d’aisances pour se mettre à l’aise… des cabinets pour faire ses besoins au-dessus de fosses d’aisances avant la démocratisation de l’eau du robinet et de la chasse d’eau ? D’ailleurs, ce livre s’adresse en priorité à ceux qui la tirent, c’est-à-dire à nous tous – personne n’est innocent –, nous qui faisons nos besoins dans l’eau potable et nous essuyons les fesses avec du papier issu de forêts rasées à blanc. Des arbres qui, après avoir été des essuie-trou-du-cul (désolé !), finissent dans les égouts.

Triste destin pour un arbre que de finir dans le trou d’un trône après avoir trôné dans la nature…

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À la semaine prochaine.
Christophe Gatineau

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