La destruction des haies est au programme du gouvernement. Un projet de décret est sur la table ; une consultation publique est ouverte jusqu’au 16 décembre, pour une entrée en vigueur le 30 mars 2026. Lien. Pour se justifier, le gouvernement promet que chaque mètre de haie arrachée sera replanté.
Sauf que cette promesse équivaut à recharger une voiture électrique avec un groupe électrogène, ou vider un lac pour le remplir ensuite avec un tuyau d’arrosage. D’accord, c’est absurde, mais présenté comme logique. Et c’est ça qui fait peur : que ça ne percute pas, un lac asséché étant aussi vivant qu’une forêt rasée à blanc. Et « à blanc » = à nu : le sol se retrouve nu comme un ver !
Une haie est une forêt en miniature
Un corridor du vivant et un refuge pour les vers de terre, comme je l’ai soutenu le 11 octobre. Lien. Et quand on détruit une haie, on détruit bien plus qu’un volume dans un paysage, on rase un écosystème complexe qui mêle espèces animales et végétales. Au regard de la loi, pour qu’une haie soit considérée comme replantée, il suffit de repiquer 2 espèces végétales… une clownerie.
Même procédé lorsque le Parlement européen, le 23 octobre, vote la préservation des sols sans obligation de les préserver. Lien. L’opinion publique aura retenu que nous allons les préserver, alors que non. Une technique qui a fait ses preuves : « D’accord, tu souffres ici-bas, mais si tu es bien obéissant, le bonheur éternel t’attend au paradis ! » Même procédé que la carotte agitée sous le nez de l’âne pour le faire avancer.
En revanche, nous, les ânes… ne voyons pas que ces destructions font marcher le commerce : prestations de service (conseil, accompagnement, repiquage, entretien), vente de plants, de piquets, de manchons en plastique… Ah, sacro-sainte croissance, que nous caches-tu ? Que ces haies replantées seront du même tonneau qu’un lac rempli avec un tuyau d’arrosage.
En résumé : une haie met au moins 20 ans pour arriver à maturité, puis 10 de plus pour offrir les mêmes services écosystémiques qu’une haie « adulte ». Alors, pourquoi les raser ? Juste pour agrandir les champs.
L’Ukraine comme modèle
Dans ce pays, il y a des champs d’un seul tenant aussi grands que des villes comme Tourcoing ou Saint-Denis ; aussi grands que 1 700 terrains de football juxtaposés, parfois encore plus grands. Sans haies ni arbres pour gêner le travail, l’agriculture y applique les mêmes process industriels que dans une usine pour optimiser les gains.
Des champs où bientôt les robots vont remplacer les êtres humains. Ce n’est plus de la science-fiction : le secteur est en pleine expansion avec la technologie des tracteurs robots : guidage GPS/RTK (précision au centimètre), caméras et intelligence artificielle.
Ils appellent ça l’agriculture de précision, et c’est l’exact contraire de l’agroécologie. La loi dite « Duplomb » en dessine déjà tous les contours. Le 12 août dernier, en la promulguant, le président Macron a signé la fin de l’agroécologie. En somme, il a signé « l’arrêt de mort » des vers de terre.
En conclusion
Ce décret est la conséquence de 10 ans de lobbying acharné de la FNSEA. En 2015, elle dénonçait : « un carcan réglementaire et normatif qui n’est plus supportable,» proposant « un moratoire d’un an sur les normes environnementales » ainsi que le regroupement des exploitations agricoles. À savoir qu’elle proposait la suppression de deux fermes sur trois au profit d’unités industrielles.
Certes, ce projet de décret assombrit un peu plus l’avenir des générations futures, mais ne pleurez pas… c’est avec vos impôts qu’ils vont payer les replantations : la plantation d’une haie étant financée de 80 à 100 % avec des subventions ! Source. Oui, vous pouvez vous opposer jusqu’au 16 décembre (lien), quand 2,1 millions de signataires contre la loi dite « Duplomb » n’ont strictement rien changé. A mon avis, c’est plié depuis longtemps.
L’Observatoire de la haie
NB. Il existe bien un Observatoire de la haie en France, la loi y fait référence en matière de protection et de gestion durable des haies (Art. L412-27 du Code de l’environnement). J’ai quelques recherches, je peux me tromper, mais en l’espèce il ne s’agit ni de personnes physiques, ni d’une personne morale, ni d’un service identifié : pas d’adresse postale, pas de téléphone, pas de courriel ; rien qu’une sorte de base de données pilotée par les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique. Autrement dit, c’est rien !
À la semaine prochaine.
Christophe Gatineau
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Président fondateur de La Ligue de protection des vers de terre, j’étudie les vers de terre dans leur rapport à l’agriculture. Auteur d’une douzaine d’ouvrages — dont Éloge du ver de terre et Éloge de l’abeille (Flammarion), je travaille depuis plus de 10 ans en faveur de la reconnaissance juridique des vers de terre. Dernier livre : Ne tirons plus la chasse ! Nos déjections au secours des sols (2025)

