C’est en substance ce qu’a dit madame le ministre de l’Agriculture, le 14 août dernier, en visite dans l’Aude : « Les pompiers le disent : là où il y a de l’agriculture, il n’y a pas, ou moins, de feu. (…) L’agriculture n’est pas un problème mais une solution » (source). Traduction : la solution pour lutter contre les feux de forêt, il faudrait moins de forêts, les couper… un requiem pour des coupes rases !

Cette année, la France a connu un nombre record de noyades. En poursuivant la logique de Madame la ministre : vidons les lacs et les rivières pour lutter contre les noyades.

Derrière ces propos, absurdes, une logique, simpliste, qui déroule son tapis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ! C’est le culte de l’argent tout-puissant, et à la fin des années 70, en protection des cultures, au lycée agricole, nous apprenions que la biodiversité ne servait à rien et qu’il valait mieux s’en séparer…

Avec un bel aplomb, à propos de la loi dite Duplomb et de la réautorisation de l’acétamipride — un néonicotinoïde, Madame la ministre avait été à 2 doigts de nous dire que les enfants jouaient avec…

« Des études ont été faites. On a exposé de façon chronique à l’acétamipride les abeilles sans qu’il y ait des désordres observés sur la mortalité et le comportement des abeilles. L’acétamipride, écoutez-moi bien, est présent dans tous les insecticides domestiques. Il est présent dans les colliers anti-puces des chiens et des chats qui sont au cœur de chacune des maisons, en proximité des enfants. » Et d’ajouter : « Croyez-vous vraiment qu’on ne peut pas, sur ce sujet, comme sur la question de l’eau, par exemple, avoir une position un peu plus rationnelle ? Déclaration du 19/05/2025 Source

Bien d’accord avec vous, Madame la ministre, soyons rationnels : l’acétamipride étant interdit en France dans les colliers anti-puces des chiens et des chats… À sa décharge, cette ancienne professeure de lettres classiques, nommée ministre de l’Agriculture le 21 septembre 2024, à la surprise générale, est incompétente en la matière. Mais pour la FNSEA, l’essentiel est qu’elle récite bien sa leçon.

En promulguant, le 12 août dernier, la loi dite Duplomb, du nom du sénateur qui l’a portée au nom du président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, le président Macron a signé la fin de l’agroécologie et d’une agriculture soutenable. Cette loi est l’aboutissement d’un projet initié en 2014, mais entre-temps, nous avons préféré croire que l’avenir serait permaculturel ou agroécologique…

2,1 millions de signataires n’auront pas suffit, même pas un plomb dans l’aile, puisque l’acétamipride pourra être temporairement réautorisé tous les ans. Une loi taillée sur mesure pour l’agrobusiness et un franc succès pour les porteurs du projet. 10 ans de lobbying acharné, la FNSEA était déjà vent debout contre les normes environnementales lors de son congrès annuel en 2014, puis elle dénonçait en 2015 « un carcan réglementaire et normatif qui n’est plus supportable, » proposant « un moratoire d’un an sur les normes environnementales » ainsi que le regroupement des exploitations agricoles. A savoir qu’elle proposait la suppression de deux fermes sur trois au profit d’unités intensives.

Son vœu est aujourd’hui exaucé.

C’est tout pour aujourd’hui,
à la semaine prochaine.


Il s’agit de Jane GOODALL, celle qui a brouillé la frontière entre les animaux et les humains en révélant que la culture, la coopération, les conflits organisés, les traditions sociales et les émotions font pleinement partie du monde des chimpanzés.

Pour mémoire, nous partageons, avec eux et les bonobos, une vieille grand-mère poilue d’environ 6 millions d’années. Madame GOODALL nous a invités à revoir notre conception du monde erronée de séparations étanches entre les espèces. Certes, elle n’est pas la première, puisque Charles Darwin, dans son dernier ouvrage publié en 1881, était déjà allé sur le terrain… à propos des vers de terre.

Dans mon dernier Éloge du ver de terre, aujourd’hui épuisé, j’écrivais :

Le mot « âme » prend racine dans « anima » — le vent, le souffle, la respiration, et il définit la part d’immortalité dont seule notre espèce serait bénéficiaire ! Pourquoi nous et pourquoi pas les autres espèces ?
Mystère.
Pourquoi nous et pas les bonobos et les chimpanzés, puisque nous descendons de la même grand-mère ?
Mystère.
Et même si notre grand-mère n’avait pas d’âme, pourquoi l’Évolution nous en aurait-elle dotée depuis d’une ? D’une conscience éternelle !

Nous ne sommes pas du vent,
la matière périt, l’âme subsiste, dit le croyant.

Or, pour le cultivateur, la matière ne périt jamais,
elle se « réincarne » en d’autres matières,
et c’est même la base de la fertilité.

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Rédacteur : Christophe Gatineau – 64 ans – Saintongeais, président fondateur de La Ligue de protection des vers de terre. Dernier livre : Ne tirons plus la chasse ! Nos déjections au secours des sols (2025)

J’étudie les vers de terre dans leur rapport à l’agriculture, et particulièrement la star des sols : le lombric terrestre. Auteur d’une douzaine d’ouvrages — dont Éloge du ver de terre et Éloge de l’abeille (Flammarion), je travaille depuis plus de 10 ans en faveur de la reconnaissance juridique des vers de terre.

Nous voyons ce que nous avons envie de voir : une vache peut être vue comme une usine à lait, un bout de viande, une calamité pour le climat, un épandeur à engrais ou un être doué de sensibilité.

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