J’ai constaté davantage de turricules (cacas de vers de terre) en bordure de mes haies qu’à l’intérieur de mes champs, en particulier du côté nord qui ne voit pas ou peu le soleil. De plus, ils y sont plus volumineux, ce qui suggère une plus grande densité d’animaux âgés, les juvéniles faisant dans leur couche… à l’intérieur du sol. Mais une observation, même répétée, ne fait pas science pour autant.

De ce point de vue, gardons la tête froide, les haies ont tellement d’avantages qu’on fait grand bruit dès que 500 mètres sont replantées, alors que 23 km et des poussières sont arrachées chaque année dans un silence assourdissant… (source)

Ceux qui ont besoin de lustrer leur image, à l’instar des industriels, de certaines institutions, des fédérations de chasse, etc. Exemple.

« Les haies agricoles jouent un rôle crucial dans la préservation de la biodiversité. Elles offrent un habitat précieux pour une multitude d’espèces animales et végétales. En bordure de champs, les haies créent des corridors écologiques qui facilitent le déplacement de la faune et la flore. »

— L’auteur de ce texte est un gazier, une multinationale des énergies fossiles (source)

Et d’ajouter : « Les haies hébergent des prédateurs naturels comme les coccinelles et les oiseaux insectivores, qui jouent un rôle crucial dans la régulation des populations de nuisibles. Cela permet de réduire l’utilisation de pesticides… »

— Non, les gaziers… les haies ne diminuent pas l’usage des pesticides, elles diminuent juste les dérives lors des épandages, se gorgeant ainsi de produits toxiques ! Hé, à force de trop lustrer, vous allez finir par enlever le vernis qui cache la misère ! Trop tard…

Et d’ajouter (n’importe quoi) : « Certaines plantes de haies émettent des substances chimiques qui repoussent certains parasites, offrant une protection supplémentaire aux cultures. »

— Derrière la promotion de projets labellisés “bas carbone”, telle la replantation de haies, leur projet est de faire oublier qu’ils dilapident les ressources de la planète et l’avenir des générations futures.

Agir, c’est d’abord les préserver et stopper net les arrachages, quand plus de 70 % de ce patrimoine végétal a disparu à jamais. Mais à l’instar des forêts, notre système économique repose sur la consommation, et non la préservation, il incite à arracher pour replanter — c’est bon pour le commerce et aspirer des subventions…

Problème : il faut une vingtaine d’années pour qu’une haie devienne un refuge de biodiversité. En 1989, une étude danoise sur la macrofaune mesurait 1 ver/m² et 9 cocons/m² dans une jeune haie, contre 290 vers/m² et 2 143 cocons/m² dans une haie « adulte »… Source

Prenons l’exemple de la bécasse des bois, dont le régime alimentaire est composé l’hiver de 85 à 100% de vers de terre (source), je vous laisse imaginer l’impact des arrachages et des replantations sur cette seule espèce. La survie du merle noir dépend également des vers de terre, comme tant d’espèces animales.

Difficile de faire plus éloquent : « Face aux aléas climatiques, de plus en plus intenses et fréquents, les haies et les arbres représentent une vraie solution grâce aux nombreux services qu’ils rendent à l’agriculture et au territoire : bénéfices agronomiques permettant une amélioration du rendement agricole et de la productivité des animaux : effet brise-vent, bien-être animal par l’ombrage, rétention des sols et lutte contre l’érosion, enrichissement des sols, lutte biologique, pollinisation ; services écosystémiques : stockage de carbone, préservation du paysage, régulation de l’eau, préservation de la biodiversité et des corridors écologiques. » Source. Extrait du rapport du CGAAER n°22114, « La haie, levier de la planification écologique »

Aucune étude à ce jour ne confirme que les haies soient des refuges pour les vers de terre… Cf. ci-après la conclusion d’une étude de 2019. Il y a un faisceau de convergences et d’observations qui laisse supposer que c’est le cas, mais le sujet n’a jamais été étudié !

Bien qu’il soit largement admis que l’abondance des vers de terre est plus élevée dans les prairies que dans les sols cultivés (par ex. Spurgeon et al., 2013), les connaissances sur la répartition des vers de terre à l’échelle des paysages agricoles restent généralement limitées. Hof et Bright (2010) ont montré qu’au Royaume-Uni, les parcelles pourvues de bordures herbacées présentaient une abondance de vers de terre significativement plus élevée que les parcelles dépourvues de bordures, et que les effectifs de vers de terre étaient plus importants en lisière de champ qu’à l’intérieur des parcelles.

On ne sait pas si ces auteurs ont échantillonné directement sous les haies, mais ils ont montré que l’abondance des vers de terre était plus grande en bordure de champ lorsque les haies étaient accompagnées de bordures herbacées, plutôt que dans des sites de haies sans bordures. Source


Flash-back
Des arrachages massifs

Extrait d’un article que j’ai publié le 02/07/2023

En 2021, le gouvernement lançait une grande opération de communication autour des haies : 50 millions sur la table et deux ans pour en replanter 7 000 km (source.) Tous les écologistes des villes et les néo-ruraux ont applaudi, c’était la cible à l’approche des élections présidentielles. Pourquoi les haies ? Parce qu’elles sont perçues comme un rempart à l’agro-industrie, et qu’elles véhiculent quelque chose de positif où l’agriculture coopère avec la biodiversité.
Elles « sonnent » agroécologie.
À l’époque, nous étions peu à dénoncer cette enfumage.
En effet, pour 7 000 km replantées, 45 000 étaient arrachées !

Opération réussie : les médias « parisiens » n’ont pas tari d’éloges. Ce que l’on sait moins, c’est que, dans le même temps, l’État autorisait la destruction de dizaines de milliers de kilomètres de haies. Et comment le sait-on ? Par l’État lui-même et ce rapport ministériel publié le 23 avril 2023, qui révèle que plus de 100 000 km de haies ont disparu entre 2017 et 2021 : soit 23 500 km par an, contre 10 400 entre 2006 et 2014 ! On apprend aussi qu’entre 1950 et 2002, 1,4 million km ont été supprimés et que rien ne semble pouvoir arrêter l’hémorragie.

Alors même qu’il est strictement interdit d’arracher une haie en France sans déposer au préalable une déclaration auprès des autorités (source). Pour les agriculteurs, l’arrachage est en plus soumis à autorisation administrative, puisque certaines aides de la PAC sont conditionnées à leur maintien. Bilan, c’est bel et bien l’État qui a autorisé ces arrachages massifs, en fermant les yeux et tout en endormant l’opinion publique avec ses 7 000 km replantées.



Rédacteur : Christophe Gatineau – 64 ans – Saintongeais, président fondateur de La Ligue de protection des vers de terre. Dernier livre : Ne tirons plus la chasse ! Nos déjections au secours des sols (2025)

J’étudie les vers de terre dans leur rapport à l’agriculture, et particulièrement la star des sols : le lombric terrestre. Auteur d’une douzaine d’ouvrages — dont Éloge du ver de terre et Éloge de l’abeille (Flammarion), je travaille depuis plus de 10 ans en faveur de la reconnaissance juridique des vers de terre.

Nous voyons ce que nous avons envie de voir : une vache peut être vue comme une usine à lait, un bout de viande, une calamité pour le climat, un épandeur à engrais ou un être doué de sensibilité.

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