Détection
Identification
Transmission
Réponse
C’est le scénario ordinaire, la plante détecte, identifie, et transmet l’information avant de répondre à l’attaque. Un process de défense partagé par l’ensemble du monde cellulaire, y compris l’espèce humaine ! Comme vous et moi, elle vit donc sans cesse sous le feu d’attaques permanentes auxquelles elle doit répondre ; des attaques orchestrées par d’autres espèces qui ont besoin de les manger pour rester en vie. Et une plante préfère garder sa vie plutôt que la donner. C’est humain…
Je ne suis pas complètement neuneu…
Ne possédant aucune cellule affectée à cette fonction, je sais bien que la plante n’a pas de système immunitaire à l’instar de notre système lymphatique. Mais elle sait se défendre sans organe défensif identifié, car elle a en réserve plus de 10 000 munitions (molécules) différentes et prêtes à l’emploi en fonction du type d’attaque. Et contrairement à une plante cultivée, la plante sauvage est plus à même d’apporter des réponses appropriées, donc de se soigner, puisqu’elle connait le terrain (l’environnement, le terroir). Et comme le terrain est tout… Bref, c’est ce manque de connaissances qui fait défaut à la cultivée, la domestiquée, la parachutée, d’autant plus hybridée.
Ne mettons pas la charrue avant les bœufs,
rien n’est simple dans la nature
En effet, pour qu’une plante s’accorde avec son environnement, il ne suffit pas de la ressemer X années dans le même ; même si la reproduction de graines ayant vécu dans un terroir similaire participe à renforcer leur système immunitaire et la gestion de leur stress hydrique ; un stress que les plantes enregistrent d’une année sur l’autre pour mieux le gérer.
L’important, pour le cultivateur.e intéressé par les rendements, est de maximiser le couplage entre le terroir et le potentiel génétique des plantes. Autrement dit, ne jamais partir de trop loin afin réduire autant que possible l’écartement entre les conditions du milieu et les exigences génétiques de la plante. Dit autrement par Fukuoka :
Plus les conditions de culture ressemblent au milieu naturel de prédilection de la plante en question, meilleur est le rapport kilojoules dépensés, kilojoules récoltés.
Une plante pousse d’autant plus spontanément dans un champ qu’elle y est adaptée.
Et à l’inverse, plus elle y est étrangère, plus il faudra dépenser de temps, d’argent et d’énergie pour la faire pousser. (Extrait de La Permaculture) Vu sous un autre angle, une plante exotique au milieu (non spontanée) s’adaptera d’autant plus à l’environnement que l’être humain accordera l’environnement à ses besoins ! Mais accorder l’environnement ne veut pas dire sortir le tractopelle ou la pioche, mais se comporter comme un chef d’orchestre qui place ses musiciens en fonction de la partition qu’il souhaite interpréter.
D’accord, la plante sait probablement se défendre sans en avoir conscience, de la même manière que notre corps se défend sans que nous le sachions… 🙂 Le seul moment où nous en prenons conscience, c’est quand le parasite a gagné… Idem pour la plante. D’ailleurs, on dit être atteint d’une maladie quand l’assaillant a réussi à traverser notre bouclier défensif pour atteindre sa cible.
C’est la lutte…
Contrairement à une idée reçue, dans un écosystème dynamique, c’est la guerre permanente pour rester en vie. Et plus la guerre est âpre, plus la biodiversité est riche. Une réalité très éloignée de l’imaginaire paradisiaque souvent véhiculé, un monde réel où chaque être doit en tuer d’autres pour rester en vie, la mort étant la nourriture du monde vivant. À l’exception des granivores qui consomment de la vie en dormance…
Si les meilleurs alliés des plantes sont les animaux carnivores, leurs pires ennemis sont les animaux végétariens ! Raison pour laquelle les plantes voient d’un mauvais œil nos amis végans-es… Et même si certains considèrent les plantes pas plus que le mobilier de notre environnement, ne leur en déplaise, elles font partie de notre famille, celle des êtres cellulaires.
La cellule, particule élémentaire de la vie
La cellule, brique de la matière vivante comme la brique, la pierre et le parpaing sont celles de nos habitations, un commun qui emmurent les plantes domestiques et sauvages comme nos cousines germaines. Une connaissance récente (19e siècle) mais sous-exploitée à cause des religions qui règnent avec leurs idées reçues sur l’origine de la vie. Et pourtant, la cellule est son plus petit organisme connu, toujours née d’une ou de 2 autres, preuve que la vie est attachée à la cellule, et qu’au commencement la cellule était. Finalement, ça remet en cause les origines de la vie puisqu’il n’y a pas de vie sans cellule.
C’est la cellule qui crée la vie
Comme n’importe « qui », les plantes sont donc un agrégat de cellules organisées et pilotées par un génotype issu d’une cellule maman et d’une cellule papa, une agglomération de cellules qui collaborent étroitement à la cohésion d’un super-organisme appelé le corps. Et dès qu’elles cessent de collaborer, on appelle ça un cancer. Pour faire simple, un cancer est une forme d’abandon de poste de certaines. Et par nature, un perturbateur endocrinien tente de dissiper cette coopération cellulaire. Et un pesticide de les tuer ou les désorganiser pour arriver à la même fin.
La plante est un écosystème
Globalement, les mécanismes de défense des plantes restent encore largement méconnus alors qu’ils représentent un enjeu essentiel dans le développement d’une agriculture sans pesticide. Mais les pesticides ont été pensés pour durer longtemps, très longtemps et en dépit d’une opposition forte de la société civile, parce que la monoculture et les immenses parcelles font le terreau des parasites. Nous sommes la génération pesticides !
Mais une question se pose : pendant combien de temps allons-nous encore croire qu’une plante est un simple amas cellulaire dépourvu de sens et de sensibilité ? Sachant que pour les animaux, l’affaire n’est pas gagnée, disons que pour les plantes… en dépit que nos corps respectifs soient constitués des mêmes grains ! Eh oui, nous partageons les mêmes mères et la bio-diversité n’est rien d’autre qu’une diversité d’assemblages cellulaires !
Une particule de l’écosystème terrestre
Au-delà des noms et des désignations, de la flore intestinale et des différents microbiotes, on peut aujourd’hui soutenir sans l’ombre d’un doute qu’un corps végétal ou animal est un système écologique, un écosystème, une communauté d’êtres vivants au service du même corps. De ce fait, chaque être vivant est en même temps macrocosme et microcosme (particule) de l’écosystème terrestre.
Un écosystème intégral
Considérer la plante comme un écosystème intégral qui vit et interagit avec la faune présente sur son épiderme et dans l’environnement de ses racines, au même titre que le microbiote présent dans notre intestin, notre bouche, notre peau et notre système respiratoire, est une voie d’exploration quasi vierge. Lire le dossier INRA sur l’Homme symbiotique et le microbiote intestinal.
Mais voilà, le corps des plantes interagit aussi en permanence avec tout un collège de micro-organismes qui vivent en symbiose avec lui. Et un microbe, un micro organisme, n’est pas seulement pathogène quand il est étranger à son micro-biote (petit milieu), il peut le devenir en se mettant à proliférer à l’intérieur du sien. Autrement dit, une perturbation du microbiote peut favoriser le surdéveloppement de l’un de ses microbes naturels en changeant son statut de collaborateur en pique-assiette.
L’Homme symbiotique
Extrait du dossier scientifique publié au mois de janvier 2017 par l’INRA.
L’inconnu est à l’intérieur de nous. Chaque individu abrite des colonies extrêmement diversifiées de micro-organismes dont, il y a à peine 15 ans, on ne connaissait que peu de choses. L’étude des microbiotes de l’intestin, de la bouche, du vagin, des poumons ou de la peau a déjà donné lieu à de véritables révolutions dans la façon d’aborder des affections telles que la maladie de Crohn, l’obésité ou les allergies…
Si l’animal symbiotique – qui dépend de son écosystème intime au même titre que la relation de dépendance qui lie le fœtus ou le nourrisson à sa mère – est, la réalité de la plante symbiotique n’est plus à démontrer à l’exemple du ver de terre qui tètent le nectar racinaire de certaines plantes. Plus de 200 études dans le monde ont démontré comment la plante animait son microbiote intestinal afin de nouer des relations d’échanges réciproques. Lire la série d’articles sur la drylosphère.
Sur notre épiderme, 1 million de bestioles vivent et nous protègent par cm² ! Sur les feuilles des plantes, c’est la même chose, plein de petites vies participent à sa défense et sont niées lors de l’évaluation des risques des pesticides sur la santé des plantes. Et ce système défensif vient s’ajouter à son armement personnel 🙂
Comme pour les vaches à miel et les abeilles à lait, plus un animal est sélectionné pour produire coûte que coûte, moins il est adapté à son environnement, plus il est inattentif au monde qui l’entoure, plus il est la proie de ses prédateurs. Idem pour les plantes.
Et si au 19e siècle, on a découvert qu’un être pluricellulaire est un assemblage de cellules, au 21e, nous pourrions éventuellement prendre conscience qu’il est également un assemblage génétique ! Car, chez les plantes comme chez les animaux, c’est seulement la symbiose et l’interaction entre toutes les cellules qui font l’organisme. Et l’humain dans tout ça, c’est un animal comme les autres 🙂
Pour nous soutenir, n’hésitez pas à acheter nos livres ou faire un don à l’association qui soutient notre travail pédagogique.