Ma première action politique, visant à sauver l’habitat des vers de terre d’une issue fatale, remonte à 2016 avec cette lettre écrite au Président Hollande. Certes, elle finira à la corbeille… mais comme un signe du destin, il vient d’être élu député dans la circonscription qui a vu naître au 19e siècle un « amoureux » des vers de terre 😉
Il s’agit d’Edmond PERRIER (1844-1921), figure majeure de la lombricologie et auteur, en 1872, du premier livre publié sur les vers de terre (source). Encore disponible sur Amazon… 10 ans plus tard, il préfacera l’ouvrage de Charles Darwin sur ces animaux, un livre de référence considéré comme le premier sur la pédologie, la science des sols. (BNF) Existe en poche (lien)
Darwin explique comment les vers de terre affectent la pédogenèse, la formation des sols, citant à plusieurs reprises les travaux de Perrier. Par la suite, Perrier fut directeur du Muséum national d’Histoire naturelle de 1900 à 1919.
30 nov. 2016
OBJET : Le ver de terre, fer de lance d’une agriculture soutenable et principal acteur de la bonne santé des sols, a été oublié par l’État ! Il n’est titulaire d’aucun droit et d’aucun plan d’action national ou européen de préservation.
Monsieur le président de la République,
Vous avez ri de bon cœur quand votre ministre de l’Agriculture a lancé depuis sa tribune, le 24 novembre 2014 : « Merci à mon camarade le ver de terre, l’un des plus grands marqueurs de la bonne santé des sols et de la biodiversité. » Pour l’occasion, permettez-moi de vous appeler camarade. Votre camarade de l’agriculture ayant ouvert la voie, je m’y engage pour plaider la cause de nos camarades.
Je confesse que la cause peut paraître dérisoire face aux multiples conflits qui ravagent notre planète, mais, sans sols nourriciers, seront-ils plus apaisés dans un monde bouleversé par le changement climatique ? Je ne le crois pas.
Ils fonctionnent à l’énergie solaire
Les vers de terre sont les ingénieurs des sols vivants, des créateurs de fertilité, des laboureurs infatigables qui fonctionnent à l’énergie solaire, une énergie renouvelable tant que le soleil brille ! Mais leur monde fond aussi comme neige au soleil ou glace aux Pôles. Une première depuis la naissance de l’agriculture, une boucherie, une disparition silencieuse, la fin programmée de l’un des auxiliaires les plus précieux pour une agriculture durable et économe en énergie.
Je confirme les dires du ministre Stéphane Le Foll : le ver de terre est vraiment un bon camarade. D’ailleurs, le Corrézien Henri Queuille, sous-secrétaire d’État à l’Agriculture en 1920 et créateur de la prestigieuse cinémathèque du ministère de l’Agriculture, ne s’y était pas trompé en faisant réaliser le premier film agricole sur eux. Un film pédagogique de 6 min pour lutter contre les préjugés et mettre en évidence le rôle des vers de terre dans la fertilité des sols. C’était il y a un siècle… depuis c’est le désert.
Un désert sans horizon
Pourquoi la toxicité des pesticides n’est-elle toujours pas prise en compte sur les vers de terre dans l’évaluation des risques ? Pourquoi lne bénéficient-ils d’aucun droit et d’aucune mesure dans la loi pour la reconquête de la biodiversité ? Pourquoi sont-ils toujours oubliés par le législateur, alors même que l’État en fait régulièrement l’éloge !
Votre gouvernement a pris de bonnes mesures pour les pollinisateurs
C’est un grand pas, je vous en remercie, mais aucun n’a été fait pour les vers de terre. Et pourtant, plusieurs mesures auraient pu être prises à moindre coût, comme limiter la profondeur du labour, interdire les sols nus entre deux cultures, lancer des campagnes pédagogiques pour faire connaître leur rôle agronomique (comme en 1920), retirer du marché les pesticides hautement toxiques, etc.
[Sous la pression de l’UE, 2 ans plus tard, la France interdira la picoxystrobine, un fongicide qui a littéralement empoisonné toute la chaîne alimentaire pendant 18 ans en commençant par les vers de terre. En 2010, le directeur général de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire, avait alerté le gouvernement…]
Camarade
Les plus célèbres habitants de nos sols, fidèles parmi les plus fidèles alliés de nos agriculteurs, meurent en silence comme des laissés-pour-compte. Monsieur le président de la République, la France d’en bas, celle qui est piétinée, est en grand danger. Pouvez-vous faire quelque chose avant la fin de votre mandat ? Faire en sorte que l’État reconnaisse enfin à notre camarade le droit à exister.
Dans l’attente, je vous prie d’agréer…
Épilogue
Au même titre qu’une église, un château ou un tableau, l’État devrait considérer ses sols nourriciers comme un patrimoine national et doter l’habitat des vers de terre de droits propres. Mais il préfère rester fidèle à son principe d’inaction : suffisamment flou pour ne jamais être accusé de ne rien faire, mais assez pour ne rien faire. La longue marche des vers de terre vers la reconnaissance juridique.
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