Couper un ver de terre en 2, la vérité

Hier, en repiquant mes courges, j’ai coupé un jeune ver de terre en 2. Je lui ai sectionné une partie de l’arrière-train. C’est malheureusement un des aléas du métier d’agriculteur, de maraîcher ou de simple jardinier amateur, quand on repique ou sème, on peut en blesser ou en tuer.

Immédiatement, j’ai pris les 2 parties dans la main. J’ai « profité » de cet accident pour les observer de plus près. Elles ont gigoté un moment, puis l’arrière-train est mort une quinzaine de minutes plus tard. Sur ma paume, une minuscule tache de sang. Du rouge, du vrai, car je lui ai sectionné une veine. Puis, il a commencé à se vider. Un peu de caca est sorti de son intestin amputé de l’orifice rectal. En effet, sans anus, comment se « retenir » ? L’anus était resté sur la partie morte.

Mais il a encore toute sa tête. Il cherche à s’enfuir, à sortir de ma main, à passer à travers mes doigts, mais c’est compliqué, l’arrière ne suit plus. Son système nerveux a également été coupé, endommagé, et l’information n’arrive plus à son cerveau. Il traîne ce nouvel arrière-train comme un chien traîne sa patte cassée.

Souffre-t-il ?

La question qui tue

Le ver de terre est le seul animal pour lequel on se demande si le tuer va le faire mourir. C’est du second degré… 🤣 Pas une semaine sans qu’on me pose la fatidique question : « Le ver de terre meurt-il si on le coupe en deux ? » Encore cette semaine, lors d’une visioconférence pour sensibiliser des journalistes à leur cause, l’un a osé. Et ma réponse a été cinglante, comme s’il n’y avait pas d’autres sujets plus importants à aborder que de les mutiler. Au 18e siècle, Charles Bonnet, un naturaliste suisse : « J’ai été jusqu’à couper un même ver en vingt-six portions, dont la plupart ont repris, et dont plusieurs sont devenues des animaux complets. »

Sans nul doute la question la plus fréquente

Et même si la plupart des livres ou films pédagogiques pour les enfants sont affirmatifs, il survit, il n’y a aucune preuve scientifique qu’un lombric terrestre puisse régénérer les cellules de son intestin et de son anus. Puisqu’au final, c’est de cela qu’il s’agit. Dans mon dernier livre, je développe ce sujet, car certains sont aussi convaincus de cette idée qu’un climato-sceptique face à un mois de mai froid !

En cause, entre autres, une étude scientifique publiée en 2013. La seule sur le sujet. Et elle dit que si on coupe la tête à un ver, sa tête se régénère même sur la partie morte ! Sauf qu’il s’agit d’un ver marin très primitif qui n’a rien à voir avec un ver de terre. Pour faire le buzz, et vendre des espaces publicitaires, certains médias n’ont pas hésité à dire : si on coupe la tête d’un ver de terre, elle repousse… Un fake repris en 2022 dans un livre pour enfants publié chez Nathan.

Le mot régénérer cultive toutes les ambiguïtés

Générer, c’est créer, re générer, c’est faire re vivre, synonyme de re naissance, mais aussi de résurrection, de retour de la mort à la vie. Toutes les cellules de notre corps se régénèrent en permanence selon leur horloge biologique. Aujourd’hui, l’agriculture régénératrice prétend même réparer les sols et l’environnement, une agriculture dans la même veine que la permaculture ou le potager d’Adam et Ève. En effet, à moins de multiplier les atomes, comme un autre multiplia en son temps les pains, jusqu’à preuve du contraire, on ne sait toujours pas régénérer un milieu sans en dégénérer un autre, sauf en théorie.

Les vers de terre ont-ils la capacité génétique de se régénérer pour survivre ?

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1 réflexion sur “Couper un ver de terre en 2, la vérité”

  1. Patrick Lavelle

    Oui. Christophe, éternelle Fake malgré les nombreuses mises au point facilement accessibles. Et la question qui nous énerve quand on voudrait que les gens s’émerveillent devant la capacité des vers à modifier l’expression des gènes des plantes par bactéries interposees. On observe des vers en régénération dans la nature. Ils sont capables de refaire les segments coupes, avec intestin et anus (enfin je suppose. Je ne les ai pas disséqués pour voir) et ils reprennent une vie normale après ça. C »est plus fréquent chez les épiges et aneciques exposésaux prédateurs de surface.Combien de temps ça prend? Quelle proportion d’individus y résistent? Combien de segments peuvent être régénérés? Aucune idée. Bonne idée Christophe de proposer cette expérimentation . Ça va encore faire des « morts pour la science » ,,,,

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