Dire que les mégafeux australiens auraient pu être évités !

Qu’est-ce qu’un mégafeu ? Un nouveau mot pour désigner un feu qui se répand comme un tsunami sur la terre ferme ; un tout-puissant qui vient chatouiller notre impuissance, l’impuissance de la technologie et de la modernité à répondre aux grands évènements naturels.

Cher feu,

J’ai choisi de m’adresser directement à toi, toi dont la puissance de feu a été bâillonnée pendant 40 000 ans. Je comprends, tel un étalon resté trop longtemps au box, se dégourdir les pattes, ça fait du bien.

Les Aborigènes t’avaient privé de liberté, les colons t’ont affranchi et nourri, c’est le monde à l’envers. Mais rassure-toi, aujourd’hui tu es promis à un bel avenir, car ces sauvages ne sont pas prêt de renaître de leurs cendres fumantes.

À ton sujet, un descendant de colons twittait le 5 janvier dernier :

Réfléchissez : si nous n’avions pas tué tous ces Aborigènes, et si nous avions appris leur sagesse en matière de gestion de la brousse, nous n’aurions peut-être pas vécu une situation aussi terrible que celle que nous vivons maintenant, explique l’Australien Alex Rowan.

Le 9 janvier, le docteur Sébastien Lafaye, spécialiste du feu, écrit dans un article publié dans The Conversation :

Pourquoi ces feux ?

La raison principale de ces méga-incendies se trouve dans l’accumulation de végétation combustible.

Pendant 40 000 ans, les aborigènes ont employé sur le continent la culture du « bâton de feu », consistant à brûler des petites surfaces tout au long de l’année, quand la météo le permettait. Depuis la colonisation, au XVIIIe siècle, cette culture a disparu et la biomasse végétale s’est accumulée.

D’accord, la vie renaît toujours de tes cendres, mais tu nous rappelles présentement qui est le patron. Enfin, qui est la patronne… Tu nous renvoies en pleine figure notre condition, la condition humaine, et j’entends encore notre ministre de l’agriculture et le gouvernement français dire que c’est à la nature de s’adapter. À elle de faire l’effort pour affronter la compétitivité et la performance économique 🙂 Comique, je te l’accorde.

Le 16 janvier, Barbara Glowczewski, anthropologue spécialiste des Aborigènes d’Australie, explique dans Reporterre.net que les Aborigènes savaient prévenir ces mégafeux, mais la colonisation a tout changé :

Les grands incendies sont un risque propre au continent australien.

Les Aborigènes ainsi que les universitaires ont montré, au moins depuis les années 1990, que les Aborigènes avaient la connaissance du danger de ces feux et donc soignaient la terre en pratiquant de petits feux pour nettoyer les zones inflammables et empêcher ainsi ce qui se passe en ce moment.

Le problème, c’est la colonisation !

Les colons américains ne savaient pas cultiver. Alors quand ils se sont mis à la terre, leurs sols sont donc partis en toute logique rejoindre les océans Pacifique et Atlantique. Autrement dit, les substances nutritives des plantes ont été lessivées pour laisser place aux cailloux. Et en 191O, le Dr Cyril G. Hopkins, chef du département d’agronomie de l’université de l’Illinois, lançait l’alerte avec son livre : La fertilité du sol et l’agriculture permanente. Lire l’article publié dans Le Jardin.

Clou du spectacle, c’est ce modèle agronomique qui ronge les sols qui sera importé en France au 20e siècle. En lieu et place du modèle qui les préservait ! Eh oui, en dépit de toutes les bêtises qui circulent, les paysans français avaient su prévenir cette érosion pendant des millénaires. Le bon sens paysan réclamait juste de le mettre à jour, au jour le jour et en fonction des avancées de la recherche scientifique. Qualifié d’archaïque au nom du progrés agricole, il a été mis à la poubelle 🙁

Avec la même verve que l’Éloge du ver de terre, j’ai écrit un manuscrit pour expliquer comment ce bon sens avait été enterré au nom de quelques intérêts particuliers et commerciaux, mais il peine à trouver un éditeur, car il pointe que le croque-mort, ce n’est pas Monsanto… mais le climat intellectuel 🙁

Bon sens paysan, bon sens aborigène, même combat !

Cher feu, le monde s’offre à toi. Et sans t’ouvrir les bras, la France est prête à t’accueillir. Après, on dira que c’est la faute au réchauffement climatique, qu’on n’y peut rien, qu’on ne pouvait pas prévoir… Qu’avons-nous appris de La Tempête du siècle ? Rien, alors que nous sommes passés à 2 doigts d’une catastrophe nucléaire majeure. Sud Ouest :

Le plus grave incident  connu à ce jour par le parc nucléaire français s’est cependant déroulé à Braud-et-Saint-Louis, en décembre 1999.

Lors de la « tempête du siècle », les digues de la centrale ont été submergées par l’eau. Selon Sud Ouest du 5 janvier 2000, le 27 décembre au soir, on a frôlé l’accident majeur et la tempête a eu raison des protections du site électronucléaire : 90 millions de litres d’eau envahissent le site

Que pouvons-nous faire quand le feu, l’eau ou le vent se déchaînent ? En dehors de courber l’échine et faire profil bas, nous prémunir pour ne pas tendre l’autre joue, car, à chaque fois, ce sera la baffe assurée.

Si l’Australie est une terre de prédilection pour les grands incendies, à tel point que certaines plantes coopèrent avec le feu pour survivre, en France et en Europe, on se croît protégés. Mais avec les nouvelles conditions climatiques, les risques sont bien réels. Lire & Lire.

En résumé, cher feu, no problem, car, comme pour tout le reste, question inaction, nous sommes très actifs, nous saurons faire l’autruche.


1 réflexion sur “Dire que les mégafeux australiens auraient pu être évités !”

  1. Je craint que cet méga catastrophe ne profile à l’horizon à une augmentation des surfaces en agriculture, dans ce pays qui ont des grandes libertés!

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